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Responsabilité sociale des entreprises : pour aller au-delà des slogans


27 octobre 2023

Responsabilité sociale des entreprises : pour aller au-delà des slogans


Équité, diversité et inclusion. Changements climatiques. Inégalités socioéconomiques. Santé publique. Les enjeux auxquels nos sociétés font face se multiplient. Les entreprises doivent en prendre conscience et mettre en place des initiatives concrètes pour devenir plus « responsables », au risque de voir leur image, leur profitabilité et même leur viabilité en être affectées.

Pour discuter de ces enjeux, l’École des dirigeants de HEC Montréal a organisé, en collaboration avec La Presse, le webinaire Entreprises responsables : impact durable ou coup de pub?

L’événement, qui a eu lieu le 11 octobre dernier, réunissait trois panélistes :

  • Luciano Barin Cruz, professeur titulaire au Département de management, directeur du bureau de la transition durable et directeur du Pôle Ideos de HEC Montréal.
  • Stéphanie Émond, vice-présidente, Impact chez FinDev Canada, une organisation qui soutient le développement en mobilisant le secteur privé. Les produits de financement et d’investissement et les solutions d’assistance technique de FinDev Canada ont pour but de promouvoir une croissance durable et inclusive dans les marchés émergents et en développement.
  • Frantz Saintellemy, président et chef de l’exploitation de LeddarTech, un leader en détection environnementale pour les véhicules autonomes, et chancelier de l’Université de Montréal.

La discussion était animée par François Cardinal, éditeur adjoint et vice-président à l’information de La Presse.


Comment les entreprises approchent-elles la responsabilité

« Impact durable ou coup de pub? Les deux. On voit des entreprises qui ont une approche rigoureuse, exhaustive, transparente; on voit aussi des entreprises qui font des démarches surtout pour des raisons d’image de marque, sans réellement changer leur modèle d’affaires. Ce qui est certain, c’est que nous n’atteindrons pas nos objectifs de développement durable sans la participation active et sincère des entreprises. »

Stéphanie Émond

Il y a un risque de conflit entre les intérêts des actionnaires et l’action responsable :

« Un dirigeant pourrait avoir une optique responsable, mais si elle ne mène pas au profit, malheureusement, ce n’est pas durable. Il faut donc parvenir à élaborer une stratégie d’affaires dans laquelle les gestes posés engendrent eux-mêmes des bénéfices financiers. Quand [la responsabilité] est un outil de marketing, c’est temporaire. »

Frantz Saintellemy

Quant à Luciano Barin Cruz, il juge qu’une démarche visant à rehausser l’image de marque de l’entreprise n’est pas forcément néfaste, puisqu’elle contribue tout au moins à changer les paramètres du discours existant et à faire parler d’enjeux sociaux et environnementaux. Cependant, il rappelle que cela ne peut être qu’un simple exercice de publicité. Il faut une réelle intégration dans la stratégie.

« Ça permet de normaliser ces discours […] et de comprendre pourquoi les organisations s’intéressent […] à des sujets comme les changements climatiques. »

Luciano Barin Cruz

Responsabilité sociale des entreprises : pour aller au-delà des slogans

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Ce que les entreprises ont à gagner

Luciano Barin Cruz explique que quatre raisons motivent les entreprises à faire preuve de responsabilité sociale : les risques, les opportunités, la réglementation qui les force à adopter de nouvelles pratiques et les valeurs morales. En ce moment, ce sont les risques climatiques qui sont les plus évidents; il suffit de penser aux feux de forêts au Québec ou à d’autres phénomènes climatiques extrêmes qui mettent en péril les actifs de certaines industries.

« Même si l’on parle beaucoup de changements climatiques, ce sont parfois les questions sociales qui sont les plus importantes, explique-t-il. [À certains endroits,] c’est à cela que je dois m’attaquer parce que je vois les inégalités et la pauvreté tous les jours. »

Luciano Barin Cruz

Pour ce qui est des raisons morales, elles peuvent changer selon les contextes :

« Il était immoral de ne pas penser diversité, inclusion et équité en 2020, dit Frantz Saintellemy, en faisant référence au mouvement Black Lives Matter. Ça l’était encore en 2021. Mais en 2023-2024, il y a d’autres enjeux [qui ont pris l’avant-scène], on est passés à autre chose. La transition vers une société juste et équitable sera très longue et moins facile qu’on le pense. »

Frantz Saintellemy

Comment choisir ses combats

L’organisation qui souhaite adopter des pratiques responsables doit d’abord identifier les enjeux qui sont les plus pertinents, compte tenu de ses activités, et bâtir une stratégie en fonction de ceux-ci. Pour les PME, la démarche est particulièrement difficile, et le Québec pourrait devoir développer un écosystème pour les soutenir pendant la transition.

« Mais elles vont devoir le faire, parce que la réglementation change, que les entreprises cotées en bourse devront publier des indicateurs de responsabilité et que, pour y arriver, elles vont demander aux PMEs avec qui elles font affaire des données sur leurs émissions de CO2, par exemple. »

Luciano Barin Cruz

Des organisations internationales tentent actuellement de normaliser des indicateurs de performance qui permettront aux entreprises de mesurer leurs progrès et de se comparer. Luciano Barin Cruz recommande de s’arrimer dès maintenant à ces normes émergentes, développées par l’International Sustainability Standards Board et par le Groupe consultatif européen sur l’information financière (European Financial Reporting Advisory Group).


Les limites de la responsabilité sociale des entreprises

Parfois, même les meilleures intentions peuvent se retourner contre une entreprise. Accusations d’écoblanchiment (greenwashing). Tentation du greenhushing, qui consiste à cacher l’action environnementale de l’entreprise afin d’éviter des réactions cyniques ou hostiles.

« Il y a aussi le greenwishing, c’est-à-dire de bonnes intentions sans plan d’action ni mesures concrètes. Ça ne mène nulle part. »

Stéphanie Émond

Et parfois, la tension entre la volonté de l’entreprise d’être responsable et ses activités est difficile à résoudre.

« Prenons Altria, l’ancienne Philip Morris. Altria est probablement l’une des entreprises les plus responsables sur la planète! Elle a des programmes très ancrés dans les communautés où elle travaille, des programmes environnementaux, de diversité et inclusion, de gouvernance juste et équitable. Et pourtant, elle vend des produits du tabac. »

Frantz Saintellemy

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Quelques conseils pour démarrer du bon pied

Au moment de conclure l’entretien, François Cardinal a demandé aux panélistes de mentionner un aspect de la question qui passe trop souvent sous silence.

« Il faut insister sur le volet social des actions des entreprises et des individus qui les composent. Selon les données que j’ai vues il y a un mois, nous sommes dans la plus grande période de famine de l’histoire de l’humanité, malgré notre richesse. »

Frantz Saintellemy

« Le rôle des équipes internes, qui bien souvent ont de meilleures idées que leurs dirigeants et la capacité de les mettre en œuvre. »

Stéphanie Émond

« Il faut démocratiser tous ces concepts auprès des organisations et de leurs employés, afin que la direction obtienne l’appui nécessaire pour implanter des politiques qui répondent véritablement aux enjeux. »

Luciano Barin Cruz

 

Visionnez l’enregistrement complet du webinaire.

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